Long-courrier de Bernard de Boucheron
Long-courrier de Bernard de Boucheron
Bon voyage !
On a beau souligner une phrase, marquer une page d’un signet, ajouter dans une marge vierge un mot d’assentiment, un trait complice, revenir, une fois le livre refermé, sur le chemin parcouru, fureter dans les entrelacs d’un chapitre, humer l’air du papier ami, rien n’explique jamais parfaitement, fidèlement, la qualité émotionnelle qu’un roman, un récit ou un poème peuvent dégager. La critique littéraire d’ordinaire, sait piéger les hypocrisies, les erreurs, les prétentionx, asséner des étrivières qui font mouches, rappeler à l’ordre. Mais devant la beauté, Dieu qu’elle est maladroite, emportée, répétitive : aucun de nous n’échappe à ces gaucheries propres à l’indicible, aux évocations du bonheur de lire, et la voici qui surgit, ricanante, mordante, insidieuse, la terrible exclamation de Bernard de Boucheron : Que se cache-t-il donc derrière ce huit-clos au long cours ? A Quel voyage nous invite-t-il donc Boucheron ?
Vous avez la gentillesse de me demander une direction ? Laissez-moi alors vous proposer Long-courrier, le septième roman édité cher Gallimard d’un écrivain si discret en littérature, qu’on le croirait presque désireux d’échapper à ses lecteurs, de passer à côté de son public. Il a toujours cherché à faire passer au dernier rang son propre goût d’écrire, sa propension naturelle à créer peu s’en est fallu que ce maître en maïeutique n’imitât dans le silence et le retrait, le bon vieux Socrate.
Espacés dans le temps, il y eut alors six romans. Aujourd’hui paraît Long-courrier révélant un Boucheron plus inspiré que jamais, un tantinet philosophe, moraliste au coeur tendre, et soudain– l’âge? L’époque ? La distance ? Ecrivain à part entière comme si, après s’être tant mis a l’écoute des autres, les fragiles, les instables, les soucieux,Bernard de Boucheron avait enfin accepté, la porte fermée aux bruits de l’extérieur, de s’écouter écrire, se souvenir et se promener.
Tout commence chez Bernard de Boucheron, grand voyageur par la distance dans le temps. Pour Boucheron, le voyage est à portée de la main et de la mémoire. L’ivresse des airs, l’odyssée entre les rangées de voyageurs. Rien du peintre de l’impossible, tout du chroniqueur d’un quotidien sans artifices.
Oui décidément, devant la beauté d’un tel livre, et pardon de me répéter, que le critique est malhabile ! Parler du style, musicale comme une sonate et grave comme un lied, proustien dans ses formules lapidaires ? Évoquer cette sincérité brûlante dont la littérature n’aime pas, en général,s’embarrasser et qui enflamme ici le moindre des aveux ? Non, vous voyez bien, je tourne en rond ! Ce conseil d’ami, seulement : suivez sans plus tarder,Long-courrier. Bon voyage !
FATHI CHARGUI
Long-courrier Roman de Bernard de Boucheron—153pages—Gallimard—mai 2013

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