Les Saintes de Fabrice Guénier
Hommage aux femmes
Aimer à perdre la raison, écrivait Aragon. Nul ne pourrait mesurer l’ampleur de la peine qu’éprouve un amant éconduit. Ici, l’écrivain Fabrice Guénier se raconte en mode photographique avec moult détails les principales étapes de sa déchirure. Appareil photo au poing, il passe en revue ses différents états d’âmes, non d’un sentiment à un autre, ou d’un lieu à un autre, mais d’un être à l’autre comme s’il s’agissait d’une purification dans les eaux d’un fleuve. Et effectivement, il se rend dans ces lieux malsains de la misère où les filles sont traitées comme moins que rien, des esclaves du sexe. Le narrateur se rend ainsi en Asie du Sud-Est pour oublier celle qui l’a blessé dans son amour propre. À Bangkok, au Vietnam, au Cambodge, il passe de fille en fille. Elles sont innombrables et lascives, affectueuses souvent. On saisit délors qu’il s’agit moins de chercher une fille pour oublier la bien aimée que de trouver une autre à sa place. Ces filles de joie, qu’il dépeint au couteau et à coup de pinceau comme un grand artiste, sont belles comme des odalisques de Rembrandt,cette satisfaction du désir atteint un point culminant, une sorte de grâce, qu’elle se révèle aussi dans son écriture photographique. Admirable. Une ode à ces filles méprisées,jamais admirées, enfin adorées ici. Un hommage enfin rendu dans un style saisissant. Un coup de cœur pour ce roman.
FATHI CHARGUI
Les saintes roman de Fabrice Guénier—363 pages—Gallimard–2013

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