Fleur de béton
Toujours entre le sanglot et le rictus, toujours entre la tendresse et le cynisme, avec un coeur gros comme ça, un goût féroce de la vie, Wilfried N’sonde se bat avec la réalité d’une cité, cherche de l’affection du silence et ne trouve le plus souvent qu’un exécrable mécanisme d’habitude.
J’aime chez Wilfried N’sonde– chaque nouveau livre,corrobore cet affectueuse conviction — une façon à la fois libre et subtile de raconter la réalité amère, d’offrir aux lecteurs une part toujours plus grande de la société, de scruter, porte après porte, les pièces d’ici et maintenant. Wilfried N’sonde décrit avec réalisme la vie humaine et sociale des jeunes qui survivent dans ces cités infames et insalubres.
« L’amertume envahit les cœurs, la colère monte dans les halls d’immeubles et les avenues du quartier. La rage gronde, inquiétante, elle se cherche un rythme et trouve la folie destructrice, comme une envie d’exister et de tout changer. »
Alors que la littérature de Stendhal à Beckett ne cesse de s’édifier sur des masques, des secrets, des pseudonymes, des silences, des trompe-l’oeil, Wilfried N’sonde, donc il faut savoir écouter la déférence usant d’un style toujours clair, chaleureux, généreux, d’une langue accueillante et volubile,nous propose, dans ce roman, un portrait sans fard,… mais avec passion.
FATHI CHARGUI
Fleur de béton Roman de Wilfried N’sonde–212 pages–2012–A2ctes su
Le corail de Darwin Roman de Brigitte Allègre
Bon voyage
Voilà un roman au titre plutôt curieux « Le corail de Darwin » De quoi s’agit-il ?On ne met pas longtemps à l’apprendre, et moins de temps encore à se laisser séduire par un des livres les plus actuels: quelques pages suffiront au narrateur de ce récit pour franchir les portes d’ivoire d’un bien curieux échange où, d’entrée, et presque violemment, surgiront les chemins d’un voyage qui appartient à la grande tradition de la littérature fantastique.
L’histoire tient en deux mots : Un échange de logement par internet le temps des vacances. Deux voyageuses-blogueuses abordent chacune de son côté une ville lointaine, aux confins de la réalité, et elles font là une découverte stupéfiante de deux mentalités: L’une l’Italie, l’autre l’Islande.
Il n’en faut pas plus pour s’installer dans cet univers de cauchemar et d’enchantement, où les deux internautes, à la manière d’un journal de voyage, consignent minutieusement leurs découvertes au royaume des diversités humaines. On pense d’abord à une fantaisie, et puis peu à peu, on se laisse convaincre par ses longues pages où tout paraît si vraisemblable, si conforme à l’un de nos plus vieux fantasmes : revêtir la parure de l’adaptation pour fossiliser nos instants éphémères dans l’immortalité d’un souvenir éternel.
Mais Brigitte Allègre ne s’est pas arrêté là, ses destinations sont un véritable microcosme, une longue aventure va commencer. On se croirait dans une gigantesque aventure, avec des oracles surgis du silence. C’est là que l’écrivaine va dérouler sa quête dans un récit de bout en bout initiatique.Et puis, de ce point du globe, pour visionnaires, on apprend aussi qu’il est loin d’être le meilleur des mondes.
FATHI CHARGUI
Le corail de Darwin Roman de Brigitte Allègre—390 pages—Actes-sud–2012
