L’Averse Roman de Fabienne Jacob
L’Averse Roman de Fabienne Jacob
le temps d’un soupir
L’averse ne raconte pas seulement la mort d’un harki, mais aussi d’un questionnement : Est-ce que Tahar, cet algérien Harki avait-il fait le mauvais choix ? Si la guerre n’a pas forcément encore ce nom, elle est bel et bien là, et Tahar va devoir choisir son camp et, quelle que soit sa décision, elle sera forcément une trahison. Il sera une « balance ».
Il suffit de camper le décor : Tahar a quitté l’Algérie à 15 ans . Il se meurt dans un hôpital parisien. Son esprit embrumé suit un cours particulier, fait de souvenirs.Fils de harkis assassinés par le FLN, Tahar a été « adopté » par des soldats français.Débarqué en France, méprisé, il a tenté d’occulter le passé. Fabienne Jacob évoque l’ombre de la mort. Parfois aussi, une formule prenant valeur d’aphorisme s’élève au-dessus du récit comme siFabienne Jacob cherchait– mais sans forcer– à donner de la voix : « Au moment où il s’apprête à rendre l’âme, quelques personnes attendent. Cette insoutenable attente durera deux heures, dix ou peut-être un peu plus. « Que des Français au chevet de Tahar. » Il y a sa femme, son beau-père si croyant et son fils qui n’a jamais parlé. L’ami lorrain de toujours, Becker, a aussi tenu à être présent. »
L’essentiel, c’est cette mort acceptée au-delà des résonances de l’amour. Tout l’art deFabienne Jacob est de construire son récit en nuances harmonieuses, en séquences à la fois brèves, fragiles, fugaces, laissant en nous de profondes résonances mais sans jamais hausser le ton.
Il y a de l’art musical dans cette manière. Voilà sans doute la définition la plus exacte de la « sonate » pour embrasser d’un trait ce roman grave et beau dont les exécutants s’appellent Tahar, « Gérard Vialet avec qui il boit de la citronnade, de sa camarade Souad et ses dents du bonheur, ou de l’institutrice Madame Bayeux qui commentait la carte de France accrochée au mur ». dont les mouvements successifs nous amènent, comme douloureusement, mais avec une justesse de ton sans défaut, à accepter la mort.
Lorsque le flot des souvenirs dont Tahar est la proue s’évanouit dans une brume cotonneuse, lorsque la mort elle-même vient en renfort, le lecteur sait que la vie renaîtra à l’issue du récit.
Et c’est ainsi que tout se passe dans une ondé de bonheur retrouvée. Et c’est pourquoi aussi l’averse, qui pourrait aussi s’intituler le temps d’un soupir, est le livre du bonheur retrouvé, le livre de l’amour après la mort. En somme, un beau livre qui nous fait du bien.
FATHI CHARGUI
L’averse Roman de Fabienne Jacob—136 pages—Gallimard–2012
