Les années mortes – Roman autobiographique d’Alain Nadaud

Les années mortes – Roman autobiographique d’Alain Nadaud

 De l’écrire comme exutoire 

 Alain Nadaud n’est plus à présenter. C’est un nom connu sur la place des lettres en France et en Tunisie. Cet écrivain qui, de passage à Tunis,pendant un court séjour, tombe éperdument amoureux de la Tunisie. On ne compte plus dès lors les romans que Nadaud avait écrit entre Sidi Bou Saïd et Gamarth. Et si Nadaud n’avait élu domicile en banlieue nord que pour partir sur les traces d’André Gide et Gustave Flaubert? Heureux homme! On ne compte plus les ouvrages qu’avait publiés cet écrivain à l’imagination fertile et à la mémoire précise. En matière du romans, citons: Archéologie du zéro (Folio), L’envers du temps (Denoël), Désert physique ( Denoël), L’iconoclaste (Quai Voltaire, Prix de l’Union des éditeurs de langue française), La mémoire d’Erostrate (Seuil), Le livre des malédictions (Grasset, grand prix du roman de la société des gens de lettres), Auguste Fulminant (Grasset, prix Méditerranée), Une aventure sentimentale (éditions verticales) et La Fonte des glaces (Grasset). En nouvelles et récits, La tâche aveugle, L’armoire de bibliothèque, voyage au pays des bords du gouffre, Auschwitz en hiver, L’iconolâtre, petit catalogue des nations barbares ( avec des gravures de Dominique Médard et des pâtes de verre de Sadika), Aux portes des enfers (Actes Sud). En essais: Ivre de livres, Malaise dans la littérature. En théâtre : la représentation. L’espace de la classe: lieu de mémoire. On y respire l’odeur de l’encre, et y entendre le claquement des pupitres. Ici, chez Alain Nadaud, la classe devient espace scénique. L’écrivain y projette ses souvenirs d’écolier, de curieux fantasmes et de supplices y sont au programme, tant il est vrai qu’on parle d’internat et de pensionnat, à l’école des pères blancs. Durs souvenirs de ces années mortes et ressuscitées par la magie de la mémoire et de l’imagination. Et puis voici dans le roman intitulé Les années mortes d’Alain Nadaud la photo de la classe, cet Olympe en miniature, dont on se veut toujours, selon son tempérament, l’Hermès, et les plus fats: l’Apollon. Le maître, c’est toujours Jupiter où junon (une belle vache), la mémoire extrêmement fidèle fait ressurgir de l’oubli quelques visages d’enfants animés comme tous les enfants de leur âge. Peut-être même un peu plus, eux aussi. Gais, gais malgré la discipline des maîtres appliquée d’une main de fer. L’écolier Alain nadaud, sûr, il aura son brevet, son Bac lettres, et aussi son diplôme de fin d’études universitaires à Paris, juste après les années de révolte de mai 68. Quelle pourrait être donc l’impression de cet enfant, à l’éducation pure et dure, face à ces événements universitaires? Les années mortes est un roman autobiographique où l’auteur remonte au fil du temps ses souvenirs d’écolier en pensionnat, dont la discipline indescriptible fait barrage à toute idée d’invention et de créativité. Ici, comme le montre Alain Nadaud l’imagination est ailleurs. Ces années mortes demeurent à jamais, chez l’auteur, des pages du passé ressuscitées du tréfonds de lui-même. Les 245 pages du roman agissent sur leur signataire, en quelque sorte, comme un exutoire. Une vraie purification de l’âme, du corps, et de l’esprit, face à un purgatoire où l’internat paraît à travers ces pages un enfer, dont on voudrait enterrer les images qui hantent la mémoire. “Le papier est là, et je me soulage”, disait Gustave Flaubert. Il arrive parfois qu’au détour d’une phrase, alors que rien ne le laissait prévoir, sauf peut-être une fatigue à laquelle nous n’aurions pas prêté attention, l’impression d’avoir déjà vécu la même scène, que l’histoire nous saisisse et nous livre un instant au vertige de nous entendre réciter un texte appris. Et ce défaut de notre habituelle certitude d’inventer à chaque pas notre chemin, nous laisse un instant mesurer à quelle épouvante nous condamnerait l’ordre des choses, s’il refusait un jour de suivre son sens habituel. Car, ne vous fiez pas aux apparences, oui, même dans un roman autobiographique, Alain Nadaud a plus d’un tour dans son sac. Il sait surprendre, ses camarade de réfectoire et ses lecteurs. Le thème de l’enfant, qui depuis quelque temps semble s’imposer dans la littérature et l’enrichir singulièrement, a souvent hanté en Histoire les époques de trouble, les moments où le monde semble être en attente, retenir son souffle, les périodes de jonction entre les décadences, les renaissances et les fins de siècle. On pourrait multiplier les exemples précis qui montrent le jaillissements, d’une manière cyclique, de ce sentiment de messianisme qui habite l’humanité à un moment de son parcours, cette aspiration à un âge d’or vers lequel toute civilisation, emprisonnée dans les âges d’airain ou de fer, regarde et dont l’enfant dans son innocence et sa lucidité est le symbole tutélaire. C’est un beau livre que ces Années mortes où l’écriture ample et sonore ne laisse pas de nous enchanter. Et ici encore, comme dans ses précédents romans, sous la gravité du propos, surgit parfois un regard amusé dont le héros fait souvent les frais et le lecteur ses délices.

FATHI CHARGUI
Les années mortes – Roman autobiographique d’Alain Nadaud–Grasset

 

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Publié dans : Non classé |le 7 octobre, 2012 |Pas de Commentaires »

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